lundi 8 septembre 2008

Christophe SABOT, patron des radios NRJ : "On est plantés, on doit revenir !"

Les radios musicales du pôle NRJ vont mal. Au dernier sondage Médiamétrie, Nostalgie mais surtout NRJ et Chérie FM ont plongé, perdant plus d'un demi-million d'auditeurs. Les résultats financiers sont catastrophiques : au premier semestre 2008, les bénéfices ont été divisés par deux par rapport à 2007. Du coup, Jean-Paul Baudecroux, le patron de NRJ Group, a décidé de reprendre en main l'entreprise. Il s'est notamment employé les services de Christophe Sabot, ancien de NRJ (1989-1999), qui a réussi à relancer ces dernières années la musicale du groupe Lagardère, Virgin Radio. Entretien avec le nouveau directeur délégué en charge des médias musicaux du groupe NRJ (radios, TV musicales et sites web musicaux) ainsi que de l'entertainment (spectacle vivant et concerts).

OZAP : En juillet, on a pu lire une interview de votre patron Jean-Paul Baudecroux qui disait "Oui, il y a un problème sur les programmes".
Christophe Sabot
Est-ce que vous partagez ce diagnostic ?

Christophe Sabot : Ça dépend des stations. Il y a des stations sur lesquelles il y a beaucoup de travail sur les programmes et d'autres où je serais plus modéré.

« Chérie FM est très malade »

La radio du groupe qui souffre le plus, c'est Chérie FM. Un auditeur sur cinq est parti. Pourquoi ?
Chérie FM est malade, même très malade. Le format a été maintes fois bougé apparemment depuis 4/5 ans. La radio ne délivrait plus sa promesse, à savoir "Vos plus belles émotions". Depuis juin, on a commencé à la bouger fortement et nous avons profité de l'été pour la remettre complètement à plat. Chérie FM a toujours dit qu'elle était une station féminine mais quelque part, elle ne s'est pas comportée comme telle. Je n'ai pas cherché un genre musical ou une décennie musicale. J'ai cherché un parfum, une humeur. Qu'est-ce qui m'intéresse sur Chérie ? Les concepts de bien-être ou de détente sont pour moi usés. Ça va pour des cosmétiques ou des massages mais ça n'est pas adapté à un message radio. Ce que nous avons fait, c'est que nous avons réuni dans la playlist et dans les golds des titres qui pouvaient s'enchaîner quelques soient leur décennie, leur son, leur production, leur langue pour que mis bout à bout, ces titres constituent une fragrance, une tonalité, quelque chose qui a du style et qui crée un univers féminin, doux et contemporain. On passe de Céline Dion à Henri Salvador, de Enrique Iglesias et Nadiya à Zazie.

« Je n'ai jamais pris autant de risques sur une radio qu'aujourd'hui »

Et NRJ qui a perdu plus de 500 000 auditeurs au dernier sondage ?
C'est pareil. NRJ a une signature depuis plus d'une décennie qui est "Hit music only". Moi je trouve que NRJ était en décalage par rapport à ce slogan. Je pars de deux principes. Le premier c'est qu'il est impératif de découvrir les nouveautés avant internet. Il faut accélérer le rythme de rentrée de la musique. Ce n'est pas pour autant qu'on va proposer toutes les nouveautés bien sûr. Donc la première décision que j'ai prise pour tenir la promesse de "Hit music only", c'est de virer tous les golds. La deuxième chose c'est de réduire les récurrents, il y en a deux à trois par heure. Ce qui veut dire qu'on diffuse douze à treize nouveautés par heure. Il y a dix ans, je n'aurais jamais décidé ça mais l'environnement n'est plus le même. Il n'y avait pas Internet ou le MP3. Tout a changé depuis. Je n'ai jamais pris autant de risques sur une radio qu'aujourd'hui. En même temps, je n'ai pas le choix. On est plantés, il faut revenir.

« Dès que je les trouverai bêtes et cons, je fermerai la boutique »

Parlons programmes. L'équipe de la matinale a évolué...
Quand je suis arrivé du 6/9, j'ai parlé à Bruno Guillon qui m'a dit qu'il voulait arrêter et qu'il voulait faire de la télévision. J'ai essayé de le convaincre, mais Virgin Radio est arrivée et a mis beaucoup d'argent sur la table. Je l'ai laissé partir. Florian (Gazan, NDLR) a voulu rester. Avec lui, on a recomposé une équipe. Je cherchais un animateur, je ne cherchais pas une boîte à rires. J'ai fait le tour du marché et j'ai proposé Kash. Deuxième chose : il faut contre-balancer l'humour de Florian. J'ai commencé à "caster" ; tout Paris est venu me voir. Je n'ai eu que l'embarras du choix. J'ai choisi Mustapha parce qu'il est rôdé sur la télé, il sait qu'il faut être rapide. Et puis il est jeune, en devenir, il nous amène un ton. Quand vous les mélangez tous les trois, ce sont des mines d'expérience. Mais j'ai mis des limites. Je les ai prévenus que dès que je les trouverai bêtes et cons, je fermerai la boutique.

Manu Lévy et Sébastien Cauet ont eux aussi agité le mercato. Est-ce que vous avez pensé à collaborer avec eux cet été ?
Non. Manu voulait faire une émission seul. Lorsqu'on a fait Manu & Nagui sur Virgin Radio, sa force, c'était Nagui. Manu pouvait tailler autant qu'il voulait, parce qu'il y avait Nagui à côté. Là il est tout seul sur Fun Radio. Manu a énormément de talent mais je le préfère lorsqu'il est en duo. Je le trouve beaucoup plus efficace. Lorsqu'il est seul, il massacre quand même un petit peu ses camarades. Pour ce qui est de Cauet, je l'ai connu ici, à NRJ, lorsque je l'ai débauché de Skyrock en 1998. On s'est plantés (Cauet a connu un revers d'audience avec "Le gros afternoon" sur NRJ, NDLR). Après, je l'ai nommé directeur de Rires & Chansons. Quand je suis parti, quelque jours après, il s'est fait virer. Je l'avais protégé.

« Cauet et Manu sont trop segmentants pour NRJ »

Cauet est assez sévère sur cette période NRJ d'ailleurs...
Oui, parce que c'était un échec. Comme je lui ai dit plusieurs fois, « Regarde-toi, tu as échoué chez les plus gros. Fais attention, parce tu as aussi échoué à plusieurs reprises à la télévision. Donc regarde-toi, est-ce que tu es aujourd'hui avec un potentiel si large que ça ? ». Donc faire venir Cauet sur NRJ, non, parce que ça serait faire venir quelqu'un qui s'est construit ailleurs. Qu'est-ce qu'il amènerait aujourd'hui sur NRJ ? Il n'a pas fait un bon été sur TF1, il sort d'un access (La Cauetidienne, NDLR) qui a été un échec et, en gros, jusqu'à preuve du contraire, ses scores sur Fun Radio n'étaient pas formidables.

Cauet est-il trop segmentant pour NRJ ?
Oui, depuis le début. Comme Manu.

« Pendant trois heures, le plein sera offert aux auditeurs »

Quelles autres nouveautés sont au programme de la rentrée ?
On est en train de travailler sur l'éditorialisation entre 19 et 21 heures avec des interviews, du chat, du webcam, du public. Ça va nous amener des contenus exclusifs. L'émission du soir, dorénavant animée par MikL entre 21h et minuit, va évoluer. On faisait jusqu'ici de la libre-antenne mais on ne peut plus continuer à faire de la radio comme il y a quinze ans. J'ai dit à MikL : « Soit vous faites une seconde matinale, soit on arrête la libre-antenne ». Je ne crois plus en la libre-antenne. Il y a un mec qui la symbolise en France, c'est Difool. Point. Donc je veux que "Sans interdit", qui a un public de gamines, soit un show people. Le week-end, c'est le TOP 40 et la thématisation (sur des albums, sur des artistes, etc.). Fini les DJ. On a également arrêté le 6/9 le week-end. Je n'ai pas besoin de deux mornings. Et puis l'événementiel va arriver à l'antenne. L'auditeur de NRJ ne rêve que de marques et de bling. Par exemple là, on est en train de monter deux opérations qui arriveront dans quelques jours. D'abord, le plein. Je vais mettre le 6/9 dans une station essence et vous saurez à 5h59 où ils sont. Pendant trois heures, le plein sera offert aux auditeurs. Je pense que pendant trois heures ça va être un bordel sans nom ! Deuxième événement, un auditeur gagnera le droit de se retrouver tout seul dans un supermarché. Il aura une demi-heure pour remplir son caddie à hauteur de 1 000 euros. C'est ludique et banal. Pour moi, c'est du pur NRJ !

Quel bilan faites-vous de Nostalgie qui a un bilan moins dramatique, avec une baisse d'audience limitée à 5% ?
Ce n'est pas tant sur les programmes qu'il y a à toucher. J'ai des interrogations sur le marketing. Doit-on vendre aujourd'hui Nostalgie comme il y a une quinzaine d'années ? Nous avons avec Stéphane Bosc et Charles Benoit (respectivement directeur d'antenne de Nostalgie et directeur de la communication de NRJ Group, NDLR) engagé des études sur le front de la marque, sur la perception du produit et on verra s'il faut faire un produit tel qu'il est, ce qui n'est pas à exclure, s'il faut le travailler de manière plus vintage ou s'il faut le travailler de manière plus moderne. J'ai quelques idées mais j'ai besoin d'études pour confirmer ou infirmer mes idées. Nostalgie a fait plutôt une bonne saison dans un marché des musicales difficile.

Seule Rire & Chansons s'en tire bien au niveau des derniers sondages avec 160 000 nouveaux auditeurs.
Alain Carré (le directeur de l'antenne de Rire & Chansons, NDLR) a fait un travail formidable. Il est en train de remettre la station sur son cœur de format. Quand il a repris la station, il est passé très rapidement du rire et du rock - comme si tous les hommes aimaient le rock et comme si ces deux genres étaient mariables - a une signature que je trouve claire, qui est une vraie promesse, à savoir du rire garanti toutes les trois minutes. C'est parfait. Il reste juste quelques légers ajustements sur la musique qu'on opérera cet automne.

« L'objectif, c'est la croissance »

On l'a dit, globalement les antennes du groupe sont en baisse d'audience. Les résultats financiers sont dans le rouge. Quels sont vos objectifs ?
Je n'ai pas d'objectif, si ce n'est la croissance. La différence entre le marché d'hier et d'aujourd'hui, c'est que vous avez une concurrence plus forte. Vous avez beaucoup plus de télévisions qu'avant, vous avez Internet, le MP3, le wi-fi et le téléphone portable, l'engin ultime selon moi. La suite est là-dedans.

Pourtant, sur les téléphones portables, comme l'iPhone par exemple, on écoute plutôt les MP3 ?
Et bien sur l'iPhone, depuis vendredi (5 septembre 2008, ndlr), vous avez le player NRJ avec toutes les webradios. Et le 12 septembre, on va lancer une webradio qui s'appellera "NRJ Nouveautés". Un titre restera dans la playlist trois semaines. Ce seront des titres qu'on jouera deux ou trois jours plus tard sur NRJ, ou pour lesquels on n'aura pas trouvé de place dans la grille de NRJ. Dans quelques jours d'ailleurs, on va lancer officiellement webradios.fr qui regroupera toutes les webradios du groupe.

« L'augmentation de la pub sur TF1 et M6 ? Merci du cadeau ! »

Un mot sur la musique qui coûte de plus en plus chère. On a vu des radios, comme RTL, supprimer des plages musicales pour faire des économies. C'est un gros problème pour le groupe NRJ ?
Ça fait partie des problèmes du secteur. On a une inflation des coûts alors qu'on a une baisse des recettes. Vous avez de plus en plus de médias alors que la part des investissements publicitaires augmente moins vite que les plate-formes.

Vous êtes aussi inquiets de la hausse annoncée de la publicité sur les chaînes de télévision privées ?
Très clairement, oui. Bonjour le cadeau ! On a alerté tout le monde, on a fait tout ce qu'on a pu. Je ne sais pas si nous serons entendus. Attention à la déstabilisation, elle est dangereuse pour la presse et la radio. 
 
Source: Ozap

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