mardi 10 mars 2009

La deuxième jeunesse de la soul

PARIS, 10 mars 2009 (AFP) - Du haut de son demi-siècle, la soul connaît une deuxième jeunesse: alors qu'on fête en 2009 le 50e anniversaire du label Motown, cette musique a de nouveau le vent en poupe depuis le succès mondial de l'Anglaise Amy Winehouse il y a deux ans.

"Le phénomène Winehouse procède d'une récupération commerciale mais le renouveau de la soul est plus ancien et date du tournant des années 90 et 2000", indique à l'AFP Sebastian Danchin, spécialiste des cultures populaires afro-américaines et auteur d'une "Encyclopédie du rhythm & blues et de la soul".
Il voit plusieurs raisons à ce retour: "Les modes sont cycliques, il y a toujours eu des phénomènes rétro. Ensuite, et l'élection d'Obama en est un signe, on a assisté à une reprise de conscience par la communauté noire de ses valeurs politiques, culturelles et sociales qui s'étaient perdues pendant les 20 ans suivant l'élection de Reagan".

L'Anglais Seal a signé l'un des succès de ces derniers mois avec "Soul", un album de reprises. Le style d'Amy Winehouse a été copié par plusieurs chanteuses, au premier rang desquelles la Galloise Duffy. Comme elles, l'Anglaise Alice Russell et l'Américain Eli "Paperboy" Reed sont deux artistes blancs qui chantent cette musique noire des années 60, dont le nom signifie "âme".
L'Afro-américain Raphael Saadiq a été salué pour son album "The Way I See It", qui rappelle le son Motown. Le 50e anniversaire de ce célèbre label, qui a révélé Marvin Gaye, Stevie Wonder ou Diana Ross, s'accompagne de rééditions.

La France, elle, a découvert qu'elle possédait dans les années 60 un "soul man" d'exception, le Marocain Vigon, dont un album est reparu.

Sebastian Danchin souligne que le renouveau de la soul à la fin des années 90 est dû à une génération d'Américains dont font partie les chanteuses Erykah Badu et Jill Scott.
"Ce sont les enfants de ceux qui sont sortis des ghettos dans les années 70 et 80, ils sont allés à l'université et ont découvert leurs racines noires à travers la soul", explique-t-il.

Selon lui, la soul nouvelle génération vit aujourd'hui ce qu'ont connu avant elle toutes les musiques noires, blues, jazz ou soul originelle: d'abord avant-gardistes, elles sont ensuite utilisées comme une source par l'industrie musicale, qui y puise et se les approprie pour conquérir le grand public.
"Amy Winehouse a été produite par des gens qui ont voulu faire un coup marketing. Le côté positif, c'est que ça a redonné une audience à cette musique et joué le rôle d'aiguillon pour d'autres, qui rénovent le genre en dépassant l'aspect vintage", juge-t-il en citant Raphael Saadiq et ses compatriotes Anthony Hamilton et John Legend.

"Ca s'est souvent passé comme ça, à commencer par le jazz: des artistes noirs sont à l'origine d'un mouvement musical, des blancs percent et ouvrent ainsi une porte pour les musiciens noirs", ajoute Vincent Sermet, docteur en histoire dont la thèse "Les musiques soul et funk" a été publiée l'an dernier.
Le retour de la soul peut être envisagé sous l'angle sociétal. "Après les valeurs individuelles des années 80 et le discours du +je+ avec le rap, on revient au discours du +nous+ avec la soul", analyse M. Danchin.

Une thèse illustrée selon lui par le président américain Barack Obama, qui comptait parmi ses soutiens des légendes soul comme Stevie Wonder et Aretha Franklin: "Obama tient un discours collectif, celui que pouvait avoir Marvin Gaye dans la chanson +What's Going On+ ou Aretha Franklin dans +Respect+".

Paul RICARD

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