vendredi 9 avril 2010

Byo.fm, la radio sans dessus-dessous

Par ElectronLibre

Avec son nouveau service Byo.fm, qui permet de créer sa propre station de radio personnalisée en insérant des bulletins d’information choisis dans sa programmation musicale, l’américain Michael Robertson promet de mettre le monde de la radio sans dessus-dessous.

Michael Robertson fut le premier à agréger les profils de centaines de milliers d’artistes indépendants sur Internet, avec MP3.com, dès la fin des années 90 et bien avant MySpace. Le premier aussi à imaginer qu’on puisse stocker sa bibliothèque musicale sur des serveurs Internet et y accéder depuis n’importe où, n’importe quand, à partir d’un périphérique mobile ou d’un ordinateur, via sa plateforme MP3tunes, cinq ans avant qu’Apple ou Google ne commencent à se pencher sur les vertus du « Cloud Computing ».

Nombre de ses initiatives lui ont valu des procès retentissants, dont certains sont encore en cours. C’est un véritable électron libre du Net, capable de déconstruire des pans entier de l’industrie des contenus et des médias avec quelques lignes de code informatique ; un incorrigible ver dans le fruit des positions les plus établies ; un déséquibriste patenté, qui surfe avec brio sur tous les changements de paradigme, les anticipe, les fomente, les provoque ; un « hacker » du réel, au sens le plus noble et le plus irritant du terme, capable de chevaucher, bien avant tout le monde, la moindre rupture technologique.

De ce Don Quichotte du Net, qui est aussi parfois un oiseau de malheur, on devrait avoir appris à méditer les mauvais augures. L’industrie du disque a pu s’en rendre compte, à qui il annonçait son déclin dès le premier Midemnet en 2000, alors même qu’elle était au faîte de sa gloire, en ne réussissant qu’à provoquer hilarité et incrédulité. Dix ans après, on peut mesurer ce qu’il en est, des prophéties de cet olibrius.

Un modèle "périmé"

Tous ces précédents sont autant de raisons, pour l’industrie de la radio, de prendre au sérieux sa dernière initiative, lancée sous le nom de Byo.fm. L’idée est toute bête, aussi personne n’avait véritablement songé à la mettre en œuvre avant lui : permettre à tout un chacun de personnaliser entièrement sa station de radio, en quelques clics de souris sur le Web, et de l’écouter où bon lui semble, dans sa voiture, sur son mobile ou à la maison. Une évidence, de celles qui rendent parfois longtemps aveugle.

« La radio est périmée et a besoin d’une refonte numérique, explique Michael Robertson sur son blog. Elle n’a pas beaucoup évoluée depuis l’apparition de la modulation de fréquence. La fidélité audio s’est améliorée et des services Internet récents comme Pandora vont trouver pour vous des chansons qui se rapprochent de celle suggérée à la source, mais au-delà, elle est restée pratiquement inchangée depuis les années 20. »

Byo.fm va donc plus loin, en permettant non seulement de personnaliser sa programmation musicale, à partir de son compte Mp3tunes ou de fichiers MP3 transférés sur des serveurs Internet dédiés, par l’intermédiaire d’une petite application comme celle développée par Lala.com, récente acquisition d’Apple, mais aussi de l’agrémenter de divers bulletins d’information sélectionnés en amont. L’utilisateur, qui peut paramétrer la fréquence des bulletins d’information insérés dans son flux audio (news, sports, horoscope, météo et infos trafic localisées), choisit des voix d’animateurs vedettes qui sont numérisées et lisent des articles publiés sur le Web.

Il ne s’agit, pour l’instant, que d’une expérimentation. Les voix numérisées qui lisent les bulletins d’infos piochés sur le Web sont un peu monocordes. Et l’ubiquité du service, qui dépend des réseaux disponibles pour accéder à son flux audio, n’est pas totalement garantie. Mais on peut imaginer de nombreuses adaptations, via, par exemple, des algorithmes de synchronisation permettant d’emporter le contenu de sa radio avec soi tous les matins, ou un guide interactif des programmes radiophoniques disponibles en podcast, qui permettrait de glisser un bulletin de France Info, la chronique de Stéphane Guillon ou un talk show de Laurent Ruquier dans la programmation de sa smartradio préférée, d’un simple « drag & drop ». Sans parler des possibilités d’intégration avec toutes sortes de services d’écoute illimitée, de musique... ou de programmes radiophoniques.

Des perspectives déstabilisatrices

Les perspectives ouvertes sont bien sûr assez déstabilisatrices : celle, par exemple, de voir toute la logique de programmation et de formatage des radios dé-construite ; et leur modèle publicitaire monolithique remis en cause. Mais elles peuvent aussi s’avérer assez enthousiasmantes : possibilité de voir émerger de nouveaux modèles économiques reposant sur l’abonnement à des services de radio personnalisée, de nouveaux outils de mesure d’audience des podcasts, parfaitement inexistants à l’heure qu’il est, ou de nouveaux modèles publicitaires plus ciblés ; sans parler de l’ouverture potentielle du marché de la production de contenus radiophoniques à toute une ribambelle de nouveaux acteurs qui ne dépendraient plus de la bonne volonté des diffuseurs.

Bien sûr, le succès d’un service de radio musicale personnalisée comme Pandora aux États-Unis – 50 millions d’utilisateurs enregistrés aujourd’hui, 100 millions à fin 2010 selon les projections, soir 25 % de la population américaine – a pour corolaire la chute d’audience des radios musicales. Et avec ce que préfigure Byo.fm, il en ira de même, à terme, pour les généralistes et les spécialistes de l’information. De quoi prophétiser bien des bouleversements dans les grands équilibres économiques encore en place.


Le monde de la radio sera bientôt mis sans dessus-dessous. Reste un élément rassurant, tout de même : Michael Robertson a toujours eu dix ans d’avance, ce qui laisse encore le temps de la réflexion...

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